Le Blog de l'actualité du pauvre "périodique" Ffwl Lleuw
[ex : Le moulin des Loups], aussi la vitrine poétique, musicale et carrefour culturelle de la lutte contre l'A.A.A's (Ampleur des Amplifications des Aggravations) au profit de l' Extension de la G.P.M (Grande Picardie Mentale).
mercredi 18 octobre 2017
(focus) JACQUES CAUDA
- Composition, couverture du Ffwl Lleuw n°11, de John M. Bennett -
Il aime Albert Ayler et le jazz de manière générale, il peint, il écrit aussi bien des poèmes que de la prose et parfois même, comme dans le Ffwl Lleuw n°11, en picard ! Son dernier livre est à découvrir, voir la chronique à la suite d'un tableau, ci dessous, de Jacques Cauda... puis aussi quelques liens afin d'en savoir plus.
ORK, Jacques Cauda, éditions La Petite Hélène ; 2017[
128 p.] - 13 €
ORK est un manurhin MR73 tendu dans le sexe d'une pute ou d'une
cougar, dans la frénésie juteuse d'un rythme underground du pays des
feuillées ! C'est hard, rauque -ORK ! Le narrateur n'y circule pas en
tant que membre de la Police nationale française, n'est ni un "keuf"
zigzagant avec son calibre dans les méandres marécageux de la cité ni un voyeur
de la "choufe", ni un "clandé" en quête (ne pas confondre
avec "queter"…) d'inspiration pour l'écriture d'un polar, ou... Son
point de vue omniscient lui cale le regard dans les différents angles d'attaque
et amortis d'un quotidien glauque qui se déroule ici, allant et venant entre
l'univers de notables (les Aubain), d'élus locaux, de jeunes délinquants dans
leurs habits lumineux comme la gloire, dans l'éclat de faisceaux intermittents
où l'espoir n'a pas le temps de s'attarder…
« L’avantage d’écrire, c’est la situation. Œil
du cyclone, noyau dur, je suis à l’intérieur de celles et ceux que je couche
sur mon écran votre papier, j’y vois comme dans un pâté dont on aurait ôté la
croûte. »
Dans
le quartier de la Zone, trois "zyva" de la "bad-trip"
Charlie, Le Boche, l'obsédé sexuel Steve (il sent l'appel du vagin en toute
circonstance et limerait bien le ventre de « la vieille » sans vergogne), sans "mif" (famille) et
plutôt "deudeu" (speed en anglais, deuspi en verlan)
errent comme des malades du cerveau parmi d'autres : côté obscurité
visqueuse, dans les corridors et bas-fonds, les cambriolages jouent des outils
et de la chignole ; côté "swag", les trois lascars font leur taf
sous l'aile protectrice de « Monsieur Jean », s'exécutent dans
de menus services rendus à la cité. Service d'intégration ? Travaux
d''intérêt et d'utilité générale ?
Notables, politiciens et zonards coexistent sur la scène d'Ork et
assistent, pareillement au vu de leur statut ou de leur taf, aux pires
règlements de compte sanguinaires, sans pitié :
« —
Il va bien crever, cette salope de
tante !
Oskar ramassa une branche d’arbre, une
branche morte, grossière et maladroite, bientôt élaguée pour devenir bâton
stylo signant le crime homophobe : « A mort les pédés ! »
Cul nu, l’anus ouvert, la branche en entrant fit un bruit de croc broyant des
os, profond dans la viande bouillie, humide et grasse, l’intestin crevant comme
un ballon de baudruche trop rempli, bulles d’air à fleur de marécage…
—OOOOOOOOOOOOOOOOOOOOO !!!!! »
L'argot
des banlieues, le verlan -"on pénave comme les wesh-wesh"- colorent
ce polar métaphysique qui fait la nique aux genres policés et où les Scarlett
(alias Scarlett Johansson II dans le roman) ne pénavent pas comme les joibours
de Paname (l'Éloïse de Ork).
Ça renifle le sexe, le sang, la sueur, la came. La verlanisation graphique
envahit même l'espace et décor ambiance parfois comme un Rembrandt mâtiné de
Peter Van Hooke :
« Ça avait remué d’un ongle. Un ongle crasseux, noir comme le soir qui
commençait à tomber dehors bientôt aussi sombre que dedans. Ça faisait tableau
de Rembrandt percé d’un couloir façon corridor de Peter de Hooch. »
Du
San Antonio 2017 avec la gouaille d 'Audiard fardée dans le jus Sex and
Came des cités, via le langage crypté des dealers. De l'argot des banlieues
mâtiné du langage des "djeunz" et du langage familier, le tout arrosé
par la verve singulière et originale du Cauda « in venenum cauda »
* ... On "s'enjaille" dans les corridors (de tous genres) et ça
dérouille et ça "bourre" et ça "marave" et ça
"técla". Des meurtres sordides ou crapuleux, dignes pour certains
(cf. celui du petit délinquant Tony Macou, qui fait la Une du polar avec une
création signée de l'auteur lui-même, Jacques Cauda) d'un tueur en série, d'un serial
killer, dont il faut résoudre les tenants et aboutissants pour fluidifier
le "blaze" de la cité des feuillées.
Les
clins d'œil du texte font mouche (adresse de l'auteur au lecteur comme
ci-dessus ; références à des auteurs contemporains ; références à des
œuvres d'art contextuelles, …).
Ce
polar métaphysique a le baroque sans le maniérisme, la trame active et stylée,
et file comme un bolide dans la cité en déjouant les radars qui voudraient la "choufer" ou y semer un
semblant d'ordre : insulte au "dawa" qui y règne avec, l'omerta, la discrétion (l'« air
ahuri » des trois lascars Charlie, Le Boche et Steve) clefs de réussite indispensable, du moins pour éviter
la déveine. Volubile pour dire le cœur de la cité, couleur rouge, couleur Noir,
Ork écrit sur la blancheur de la page comme un pastel gras dessinerait
ses formes en clair-obscur, la rage de vivre et de survivre, quitte à que s'en
arrache la langue, des décorums policés des évidences soporifiques. C'est hard,
baroque, rauque, -ORK !
* « Le venin est dans la queue »,
signifiant « garder les mauvaises surprises pour la fin ».
S'applique pareillement à la dernière partie d'un discours ou d'une lettre qui,
débutant doucereusement et sans surprise, ne caresse de prime abord que pour
mieux frapper ensuite et enfin. Or Christian de Saint-Germain (vrai prénom et
patronyme de l'auteur) choisit son nom d'artiste « Cauda » en
rapport avec le signifiant et la symbolique de cette citation latine cf. In Cauda venenum, biographie de Jacques
Cauda par Elise Vincent et Déborah Vincent, Jacques Flament Editions ;
2015. Cf. également article de presse dans Libération, en février 2015 :
"Les 400 culs – In cauda venenum : le venin dans la queue ?"
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