jeudi 5 avril 2018

LA STUPEUR VOUS ATTEND !



 La Mélancolie sur terre

 à Massimo Borghese


L'encre, cette noirceur d'où sort une lumière.  (Victor Hugo)
Qu'est mon néant auprès de la stupeur qui vous attend ?  (Arthur Rimbaud)


1.    L'image survient à la conscience et au regard de Massimo Borghese avec les modulations naturelles d'une aube : il fait nuit près des sources, un peuplement de lueurs, d'ombres et de signaux rétiniens avancent sur l'épaule de l'onde  ̶  en toute absurdité, comme on sort d'un rêve ; les osselets blancs de la mélancolie, la révolte originelle, la gamme entière des inclinations et des rêves façonnent en secret une vision élémentaire, une réfraction certes encore indifférenciée mais qui se concentre, se nouant sur elle-même, et qui mutera bientôt en élucidation graphique. Sous l'effet de leur attraction réciproque, le sujet  et sa vision prendront littéralement possession l'un de l'autre dans l'intimité du palais imaginaire qu'ils ont investi  ̶  tous les amants du monde connaissent la grâce de cet enchantement. Ce noyau de forces et de rêverie (Scarabocchio*, le griffonnage est son mode d'improvisation, le principe-moteur d'une germination, d'un geste qui, comme son nom ne l'indique pas, est éprouvé et précis), congédiant d'un coup les causalités et les finalités de la vie courante, perfore les falaises opaques de la nuit humaine, creuse pour lui-même et met à jour une figure graphique qui s'affirme ailleurs que sur la scène des affaires mondaines (naturelles, sociales, psychologiques). La poussée et le quant-à-soi de l'image n'ont que faire du monde et de ses contingences, elle est dans son tempo et dans son domaine la composition, l'expression et l'explicitation de sa propre question. L'homme et l'image ont engagé et scellé leur procès d'unification, ils ne lâcheront plus leur emprise jusqu'à son accomplissement.

2.     Le sujet et l'oeuvre sont alors à distance, et peuvent s'émanciper, ils ont engendré une forme organique, l'intempérance d'une trame de grande fermeté, leur propre forme : un « Figurat ».
        Le « figurat » est une figure de sens, une exaltation de la main d'or, du regard et de l'esprit qui donne à vivre, ici et maintenant, le Temps, le Rythme et la Matière de l'homme. Le figurat est une émotion cristallisée, tangible, une substance palpitante déposée sur le grimoire de la rétine pendant que dix mille papillons noirs frappent la cornée, résonant sur une échelle subjective de sensibilité, d'intelligibilité, de disponibilité et d'intensité que la simple raison ne peut atteindre. Philtre, compas et fond irréductible, le figurat est un geste du regard jaillissement spontané et dirigé à la fois qui excède le regard, une totalité spéculaire et inquiète, sans autre finalité qu'elle-même, un éclat d'absolu qui se suffit dans sa plénitude et qui excède la plénitude. Toute la puissance et la simplicité du figurat est là, sous nos yeux  ramassé sur le format d'une feuille de dessin, exempt de confusion, éclatant de naïveté dans l'économie et la fraîcheur de ses moyens. Nous sommes les témoins affectés et les acteurs de toute son évidence.


3.     Aussi cette fleur de rêves, de colère et de mélancolie, calice des mémoires, dans l'entrelacs jubilatoire des lignes claires, des masses, des plans, des perspectives, des rappels du monde et de ses éléments, des significations, des symboles ou des références, des évocations, des signes abstraits et concrets qui s'enchâssent, se délimitent, s'emboîtent, s'enroulent, se choquent, se répondent, se caressent, s'échappent, se pénètrent à nouveau, réinvente-t-elle le versant libre et solaire de l'énigme humaine, elle devient à ce titre l'énigme cardinale : une « Merveille ». Le figurat, sous la densité d'un tissu qui s'anime, pulse de l'intérieur, comme tout ce qui vit, sans mots, sans phrases, sans musique, une merveille qui pulse et qui suffit à notre joie d'en être les témoins et les contemplateurs. En se signifiant lui-même, le figurat pulse en toute candeur, avec le trois fois rien d'un trait d'encre trempée dans la volupté d'être et dans l'humour noir.

4.                  Quand l'encre s'écoule et se fixe, quand la mélancolie et la révolte essentielle ont trouvé leur chemin d'exultation, leur cycle de sang, l'envers et l'avers de l'émotion se renforcent car le temps n'attend pas, l'intensité tragique du figurat, au cœur brûlant de la vérité poétique, laboure et le sens et ses conditions. Les hommes ne cesseront pas, ne cesseront jamais, de rêver et de se révolter, depuis toujours le Temps et la disparition des mondes entre eux se fécondent et se défont, l'image vibrante de Massimo Borghese, réelle et surréelle, s'en retournera vers la grande marée à la rencontre des éléments et nourrira les passions premières : ainsi s'accuse la ponctuation de l'océan.
5.    Écartez ce que vous venez de lire, cet homme qui dessine, Massimo Borghese, est aux prises avec son énigme, avec la vie qui crame, note par note jusqu'aux cendres, aux prises avec ses passions et avec les puissances de dissolution, aux prises avec la beauté du monde et avec son absurdité, avec le Bien et le Mal, aux prises avec l'absolu, avec la minute qui passe, avec la nuit qui vient..., il sait que son œuvre est inachevable et ténébreuse mais il la conduit souverainement, il tient et il se tient. Que l'on nomme son chemin « Surréalisme* », « Morale merveilleuse* », « Réel absolu* » ou « Poésie, même* », il sait que d'autres ont cherché et que d'autres viendront, il sait que le regard poétique est en son principe une émancipation permanente, il sait que c'est le rêveur qui poétise le monde parce qu'il en est l'intercesseur, cet homme est un frère-voyant, son œuvre un sceptre d'encre et de lumière.

     Nouvelle aube, nouvelle onde, j'entends le rappel du merle.

Jean-Pierre Paraggio
Toulouse 2018


Les œuvres de Massimo Borghese
sont exposées du 12 au 26  mai 2018 
à la Galerie l'Usine,
102 boulevard de la Villette, Paris 19°
http://usine102.fr/
M° Colonel Fabien – 01 42 00 40 48

Vernissage le samedi 12 mai 2018 à partir de 18 h 30


Massimo Borghese, l'Homme-signe,
présente ses œuvres (fonds et formes) dans un texte
Piccola Mitogonia Dello Scarabocchio

traduit par Julien Starck
Petite mythogonie du griffonnage





Collection de l'umbo hors série













MESSAGE
messaggio

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

DIVINO INFERNO [et Rodin créa la porte de l'enfer]

Peut-être pas un film exceptionnel mais une excellente occasion de (re)découvrir  l'œuvre d'Auguste Rodin  & aussi d&...